Au Fort de Romainville 93

Proposer des actes de belle résistance… à poser, comme on pose des pierres… de forte résistance!

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COLETTE expliquant au public le travail réalisé en classe par les élèves

lien pour film sur le Fort : https://youtu.be/ENkSH3rOwsM

Aux habitants de la Seine St Denis qui :

avant-hier , ont été des résistants, internés, déportés, se sont battus, pour qu’aujourd’hui nous ayons droit (donc nous avons devoir, d’histoire), droit d’être libres, citoyens

…ce que nous devons à la résistance encore vivante :

– qui, hier, élus, ont développé des politiques culturelles, urbaines, aboutissant aujourd’hui à des contrats de coopération région-département, volonté politique, en accord avec l’état… et récemment encore, précisément articulés autour du patrimoine…

…et nous restituerons cette « mémoire résistance » dans des lieux signifiants (Les Lilas, Noisy le Sec, Bobigny, Drancy) et nous créerons ce qui deviendra pour les générations à venir des objets scénographies, écritures, images arrêtées ou animées… …ce que nous devons aux territoires, travaillés bien sûr par des tensions, mais aussi amendés par des hommes et des femmes ; nous devons donc continuer de produire des preuves, traces artistiques de nos passages ici bas.

  • aujourd’hui , sont mobiles, étrangers, population jeune et mouvante…

 sur ce territoire « les étrangers » aussi furent des résistants !

…mais, ces jeunes, parce que leur histoire est déchirée, méritent encore plus d’attention ; et les équipes éducatives sont animées d’une énergie tendue (tous les établissements scolaires collèges et lycées, interrogés par une représentante de l’inspection académique ont répondu « présents » sur la méthode envisagée pour la mise en action de cette démarche).

 Aux habitants de la Seine St Denis qui :

  • demain, sur ces lieux mêmes seront à leur tour les vecteurs vivants, acteurs responsables d’une connaissance concrète, tangible, celle d’un espace où ils vivent,   2005, la compagnie de théâtre de la Pierre noire, en résidence dans la commune de Bobigny, a repris ses activités avec des établissements scolaires du département pour présenter en 2005 une manifestation liée à la Déportation. L’ancienne gare de Bobigny servira de toile de fond pour ce nouveau projet culturel, artistique et de mémoire.

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Visuel bannière Voix et Visages

Lancer de tracts

Lancer de tracts par Cie Retouramont

Le 8 mai 2004 on célébra le soixantième anniversaire de la libération du fort de Romainville, les enfants des écoles étant en vacances en août. Le 8 mai donc, c’est une belle date, sous une pluie drue et continue les élèves de onze classes de troisième de la Seine Saint Denis ont tenu bon et présenté un spectacle, dans le fort de Romainville, spectacle qu’ils préparaient depuis le mois de septembre. Ils venaient de Noisy le Sec, de Romainville, des Lilas, du Pré Saint Gervais.

Lignes de vie, dont la scénographie a été imaginée par Maryvonne Vénard et la musique par Michel Bertier sur des paroles de collégiens, comprenait onze stations sur un parcours à l’intérieur du fort. La symbolique a pu paraître obscure, probablement à cause du ciel, mais les concepteurs, Mme Vénard avec Antonio Iglesias, interrogés, ont répondu avec enthousiasme et précision à mes questions. Voici quelques extraits de leurs propos.

Devant les casemates, simulations de tombes pour identifier les femmes en transit vers Ravensbrück

Devant les casemates, simulations de tombes pour identifier les femmes en transit vers Ravensbrück

Leur éthique justifiant le titre :« plutôt tracer des lignes, les lignes n’ont pas d’origine, et poussent par le milieu […] on est toujours au milieu de quelque chose, comme l’herbe. Plus on prend le monde là où il est, plus on a de chance de le changer ».
Suivre les lignes du programme scolaire : les « troisième » travaillent sur la biographie et la poésie engagée, l’histoire traite de la Seconde guerre mondiale, les professeurs de français et d’histoire sont concernés, ceux d’espagnol et d’allemand pour les résistants espagnols et allemands, ceux d’anglais bien sûr pour les Anglais en guerre, la résistance à Londres, les émissions de la BBC et ses messages, ceux de mathématique pour réfléchir à partir de statistiques « coût de la guerre en vie humaine, en nourriture, en armement… » , je cite), même les enseignants en musique sont sollicités et ceux en technologie pour la fabrication de tracts et de journaux.
Ce projet multidisciplinaire paraît trop beau ! mais il a été mis en place et développé par la Compagnie de La Pierre Noire, dont le siège est à Troyes, et ses intermittents, grâce aux enseignants bien sûr mais aussi avec l’appui des communes et des collectivités locales, de la région Île de France et de plusieurs ministères. Les militaires, propriétaires du fort, ont ouvert les portes, la Télévision française a donné accès à sa gigantesque antenne qui domine l’enceinte. Collégiens avec des parents, enseignants, élus ont pu entrer dans les casemates maintenant grillagées, où subsistent des inscriptions gravées, peut-être, par des condamnés qui y furent enfermés avant d’être fusillés au Mont Valérien.
Ce jour fut le début d’une initiation qui mena les élèves à parcourir les rues de leur commune en quête des plaques de celles qui portent le nom de résistants tombés près de chez eux. Étude de leur biographie, des combats de la libération…
Recueil de tracts, de journaux clandestins, de messages radiophoniques. Les élèves ont été amenés à imaginer leurs propres messages énigmatiques ou poétiques, à les fabriquer même avec des caractères typographiques en plomb, comme à l’époque.
Ce 8 mai, les fortes portes s’ouvrent, la barrière se lève, le public pénètre dans le fort : des parents, beaucoup de condisciples des jeunes acteurs. Premier arrêt pour un groupe d’ombres vêtues de blanc qui écrivent sur des murs de drap ; des tracts, plus loin, jaillissent d’un jeune suspendu à une corde (je croyais à tort à une tentative d’évasion !), des copies de lettres de fusillés accrochées aux grilles des casemates se brouillent sous la pluie. Des stèles provisoires devaient porter les noms des milliers de femmes passées par Romainville avant d’être déportées vers Ravensbrück (c’est là, la seule évocation des femmes internées). Dernière étape : le déroulement de larges bandes bleues, blanches puis rouges revêt des pentes herbues des fortifications, les drapant d’un immense drapeau tricolore, accompagné d’une Marseillaise reprise par tous. Ainsi s’achève cette quête de compréhension et de souvenirs sur le thème de la résistance. Cette réalisation a visiblement apporté aux quelque 300 élèves qui y ont participé un vrai savoir de cette histoire si présente de 60 ans passés. Ainsi fut perçu concrètement ce que fut la vie, les difficultés, les engagements, les passions de ceux qui les avaient précédés dans leurs lieux familiers. Ils sont maintenant soudés, me semble-t-il, par cette œuvre collective et imprégnés probablement du désir d’en savoir encore plus.

Merci à eux et à tous ceux qui les ont guidés.
Denise Vernay