A Pantin 93

 

Numériser 1

Dépliant verso Commune de Pantin

Station debout 1

Dépliant resto Commune de Pantin

 Etude préliminaire :

 …pour un accompagnement artistique d’une transformation territoriale englobant emprise ferroviaire, futur éco quartier et  le quai dit « Quai aux bestiaux », à Pantin

 … accompagnement dont certains « fruits » se récolteront dès Mai 2018 et au-delà…

 – Peintre, Paul Klee écrivit : « l’Art ne reproduit pas le visible, il rend visible »

– Ce qui est in.visible, invisible puisqu’in-accessible ?

« Où est la clé ? Qui la détient ? Où la chercher ? »

 …Accompagnés, depuis l’hôtel de ville, nous longeons, passons sous un pont, retenus par garde fou, jusqu’à la grille, haute et large, chaînée, cadenassée. Retour sur nos pas, nous avançons le long d’un mur aveugle, déchiffrons entreprises et bâtiments alignés serrés, virons brusquement à gauche, marchons encore… croisant bandes passantes; le périmètre semble ne jamais s’ouvrir, jusqu’au pont surplombant la gare du RER. Site inaccessible. Nous n’avons rien vu de ce qui a pu « se jouer » là. Tragédie sans texte ?, sans image ?, sans objet ?, à laquelle tout fait défaut, hormis une plaque apposée sur le mur de la gare voyageurs.

« GARE DE PANTIN, 15 Août 1944 : départ du dernier convoi de déportés vers les camps de la mort en Allemagne… du 15 au 25 Août 1944 : stationnement d’un train blindé ennemi dont les tirs incendient…Les moulins, la Mairie et l’école Sadi Carnot  …PASSANT N’OUBLIE JAMAIS ! … »

Par où cheminer pour ne pas oublier ? Passeur pour quel public ?

Aujourd’hui ?

Perdus, interrogeons au hasard des « passants, passantes » : «  Le Quai de quoi ? Où ? Ici ? Vous êtes sûr ? Jamais entendu parler ?  connais pas»  (excepté, lors de rencontres, avec des arpenteurs de circuits mémoriels, associations, techniciens…)

Tragédie sans texte. Et comment formuler ?  Nous avons tourné autour, infatigablement.

 L’Art rend visible – ce qui, in-visible, est in-abordable.

 ……Ce n’est plus le corps qui se cogne, mais l’âme qui se heurte.

Comment aborder ce bloc, historiquement découpé, d’une cruauté érigée en système politique, économique, militaire, qui «occupe », qui dévora mécaniquement Etres et Lieux ? Sur un territoire urbain en pleine reconfiguration, le site est appelé à devenir exemplaire Eco quartier. (mais quelles passerelles, passages secrets emprunter pour ouvrir des yeux ?)

Unité d’un temps : inscription d’une emprise ferroviaire qui permit transports de militaires, d’armes, de bétails, animaux déversés jusqu’aux abattoirs de La Villette… et d’hommes et de femmes. Nous enserrerons l’année 1944 ; la guerre désarticulait les rapports de force; les alliés bombardaient, points névralgiques, voies de communication. Lignes de fer tordues.

Unité d’espace (s) : inlassablement, les nazis arrachaient les résistants et résistantes de la prison de Fresnes, du Fort de Romainville…les forçaient à devenir main d’œuvre pour le troisième Reich, royaume de la mort.

Unité de lieu : c’est depuis ce quai, Quai aux bestiaux, que se matérialisaient les départs, la déportation, noués en une unité d’action.

Ultime tentative de fournir à l’industrie allemande de quoi creuser (entreprises souterraines), de quoi fabriquer (usines d’armement V1 et V2), de quoi monter, réaliser, (cette arme « miraculeuse », la Bombe), course de vitesse exacerbée par la défaite pressentie. Mise en « pièces » de l’Humanité : les Stûkes, morceaux, pris dans un engrenage détraqué. L’Etre Humain ne vaut plus que par sa capacité à répéter mêmes gestes, d’épuisement, à extermination, pour servir une économie…de guerre…tandis que s’écrivaient les brouillons des « Jours Heureux » qui deviendront le Programme National de la Résistance.

 Nous devons « voir ».

 L’Art rend visible ce qui est invisible, puisqu’enfoui, profondément, recouvert par d’autres conflits. Le temps sans bruit, sable, étouffe. 

 Et qui peut avoir le désir, le besoin, la nécessité de ramener à la conscience de ce « jourd’hui » pris lui-même dans des terreurs nouvelles, brusques, imprévisibles, nous aveuglant dans une sidération presque sans sanglot, digne et avide de résilience ? Et toutes les blessures subies sont-elles ici, suffisamment cicatrisées ?

 L’Art rend visible… ce qui n’a pu être « saisi ».

                                                 …manquent les témoins qui, peu à peu, s’effacent.

 Restent les thèses, livres, autobiographies, travaux récents, actes de colloques…et nos propres prélèvements constitués depuis 2003 (Scénographie au Fort de Romainville, site de l’ancienne Gare de Bobigny). Et ce qui peut être encore « emparé » avant effacement de toute trace, inscrite à même la peau de cette terre singulière : une emprise ferroviaire, in-soupçonnable; possible lisibilité d’un paysage d’événements, qui, oubliés, nous mettraient en danger de les voir ressurgir sous une autre forme…exploitation des richesses, des énergies, des forces de production, des données. Il nous faudrait alors trouver des dispositifs (mais la création de l’Eco quartier peut en être un, majeur) pour donner désir de nouveaux « programmes » de résistance.

 Ce qui n’a pas pu être saisi, compris : car le langage est chiffré.  Messages codés, des résistants – résistantes, décodage du fonctionnement de la machine Enigma (préfigurant l’ordinateur d’aujourd’hui); ce qui n’a pu être décodé dans les marquages, tatoués sur le bras des déportés, à chaque entrée des camps dit de travail (de mort). Matricule : numéro. Epelé à chaque interminable appel. Et aujourd’hui code-barres, code miniaturisé, greffé sous la peau, pour une géo localisation imparable. Code génétique (nouvel eugénisme). Il est plus que jamais nécessaire de relier, de relire dans une histoire des sciences, histoire des sciences de l’Homme, notre Histoire des XX, XXIème siècles.

Mais, auparavant il nous faut prioritairement trouver la clé très réelle et avoir accès à cet espace destiné à transformation.

Et, un beau matin, nous y sommes : les deux grandes grilles déchaînées s’ouvrent, se referment derrière nous.

 Que voyons nous ?  Qu’entendons nous ?

 La pente est courte qui monte jusqu’au « Quai ».

Là : nudité, sécheresse minérale, aveuglante étendue quasi abstraite. Lignes de fuite, voies de fer se perdant hors diamètre de nos bras tendus, compas ouvert à l’horizontal.

 Au loin, le regard détaille Tour de Romainville, Hôtel de Ville, Grands Moulins…et plusproche sur notre droite, parallélépipède posé, la SERNAM.

L’embarcadère sur lequel nous avançons est ponctué de segments métalliques, tronçons de rails rouillés, en tas, de pierres amoncelées, de blocs bruts; une tour étroite très haute oblige le regard à évaluer la surface infinie d’un ciel blanc.

Nous marchons jusqu’au plus loin, butons sur de la végétation confuse; revenons sur nos pas; en contre-bas : une longue vague de pierres gris-bleu, prisonnière de ses reflux s’est figée, recouvrant partiellement des « regards », ces cubes de béton aux yeux vides; qui, serrés, en un alignement irrégulier nous force à les chercher. Fin de la vague qui s’échoue au pied de trois arbres à la chevelure frémissante : nous sommes à nouveau à l’entrée du Quai : posé là, depuis quelques années, un rectangle contracté délimite un rail et son ballast. La plaque apposée nous renseigne « Quai aux Bestiaux » d’où « …le 15 Août 1944 est parti le dernier grand convoi de déportés de la région parisienne vers les camps nazis de Buchenwald et Ravensbrück ».

Nous y reviendrons.

Sur cette « Terra Incognita » dont nous sommes entrain d’embrasser profondeur, étendue et rareté, dans la Région Ile de  France (transport de déportés politiques). Rareté. En 1944 ce sont pour la plus grande majorité des résistants, mais surtout des résistantesqui furent emportées, constituant une mémoire encore aujourd’hui à peine décelable

Nous avons progressé.

A Pantin : qui ? quels spectateurs ? Citoyens ?, quels sont ceux qui impulsent, portent le mouvement ?

Nous y revenons, une première clé en main.

Sur les lieux : le silence règne de part et d’autre; feulement, sifflement de train au loin, ou rumeur assourdie.

Nous progressons, sur cet embarcadère stable, arpentons de long en long, butons aux extrémités, interdits, sommes pris dans ce rectangle à la géométrie rigoureuse, parfaitement défini dans tout son tracé. Seul le ciel semble sans limite.

 Que voyons nous ? Que verrons nous ? Qu’entendrons nous ? 

 Mise à jour : action(s) possiblement déclinable(s) pour le mois de mai 2018.

Nous embarquons les citoyens dans un récit porté par deux comédiens, enserrant le groupe (de spectateurs) dès les premières grilles de l’entrée.

Le site est « en chantier ». Attention, redoublée. Accès privilégié pour voir, de haut. Montée, entre les flancs de pierre, jusqu’au Quai à proprement dit. Notre position physique change notre point de vue.

Entraînés sur la partie gauche du site, sans station prévue : la réalité tangible est décrite et son histoire (chemin de fer, logistique du transport…). Semble émise par échevau de rail, l’activité passée, « sonore » du lieu, mais comme légèrement déformée, ralentie (sons trafiqués).

Voilà comment nous vivrons, circuleront, respirerons, travaillerons, apprendrons, échangerons, ici.

Point d’orgue : nous arrivons en bout, fouillis d’une végétation emplie de chants d’oiseaux.

 Demi tour. Nous empruntons alors le versant droit de ce Quai et nous longerons  ralenti, ce qui aura été aménagé en un site de fouille. Archéologie préventive mise en fiction. Le récit des deux comédiens justifiera cette installation par la transformation prochaine de cet endroit et la nécessité de savoir sur quoi grandir, s’élever, sur quelles réalités mises en commun nous fonder, quelles, garder, protéger, sauve-garder.

Le rectangle de fouilles est très long est rigoureusement parallèle au Quai : il circonscrit les déferlantes pétrifiées, depuis les « regards » bornes, jusqu’à la limite de la végétation.

Ce rectangle s’offre à nous, en contre bas, comme une œuvre plastiquement apparentée à du land art. Quadrillage de couleurs déterminant carrés de fouille, remués. Par endroit le blanc du gypse a été mis à nu. Couches réelles, strates marneuses, pierre à plâtre constituent ce sous-sol, de la région Pantinoise.

 Affleurent « noyaux », géodes sphériques, ovoïdes, blanches. Le site regorge d’informations à découvrir. S’avançant sur les galets informes –l’air est comme raréfié- des ados-adultes, outillés, équipés, se dispersent, se regroupent, se focalisent sur, se baissent : accroupis, extraient ces gangues, précieuses trouvailles ; corps de danseurs, seuls, aptes à suspendre le temps, le ralentir, l’accélérer ; corps collectif d’archéologues en mouvement, seul pouvant rendre sensible l’étrangeté d’une recherche opérée dans des épaisseurs concrétes-abtraites, créer le décalage souhaité : il ne s’agit pas d’une fouille « préventive » liée à un ministère du « Patrimoine », mais d’une quête rendue sensible de « résistances », liée à un ministère « de la Culture et de la Citoyenneté ».

 Allées et venues, revenues jusqu’au conducteur de ce chantier singulier ; les objets-témoins, découverts, lui sont confiés ; en bout de quai, sur une longue et peu large table, à tréteaux, seront déposés ; ouverts, par marteau-ciseau ; découvertes : des fragments (tissus, messages ultimes, corne d’animal en creux, chaussure de femme, à talon truqué contenant texte codé, outils de cheminot, de sabotage…tout type de matériau à préserver…) car ayant appartenu aux résistants, résistantes ; il faudra alors les trier, les étiqueter, les dater, les exposer sur la table brute du chantier ; la mise à jour s’accompagnera d’une « légende » à mettre en forme, enregistre (informations croisées avec biographies de résistants et résistantes ayant réellement traversé ce moment.

 …et les résultats de ces fouilles pourront être transférés sur un autre site, virtuel celui ci, photos à l’appui, état de l’avancée des recherches, interaction possible avec Pantinois, Pantinoises, contribuant, alimentant…pendant que d’autres objets à prélever, continueront de ce produire.

 Le parcours s’achèvera après arrêt devant la plaque commémorative, par la descente douce, jusqu’aux grilles désormais ouvertes.

 A jamais la terre garde en mémoire…et nous ?

 D’une Géo-politique (la guerre laisse des traces, l’Histoire, un moment, ayant eu lieu dans sa très grande brutalité ici même) à une Géo-poètique à inventer…et s’il était possible : ouvrir à chacun, chacune, possibilité de se rêver ; donner envie de secréter dans le dedans de l’Etre, un noyau d’une résistance inaltérable ?

 …porteurs d’une espérance, républicaine.

…habités de la même conviction que celle qui inspirait les résistants, résistantes.

Le monde se transforme : depuis l’ici et maintenant où nous sommes

Scénographie « Station Debout » Commémoration Pantin Août 2018

DERNIER CONVOI (N°1264) DE RESISTANTS ET RESISTANTES PARTI D’ILE DE France LE 15 AOÛT 1944 – DESTINATION : BUCHENWALD ET RAVENSBRÜCK

 Au lieu-dit « Quai aux Bestiaux », gare de triage de Pantin,

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Tract sur tissu réalisé avec la complicité de la l’atelier de Sérigraphie des Compagnons du Devoir de Pantin

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Tract envers…

le 16 août 2018 à 17H, nous rendrons compte de notre recherche, fouille dans les strates, méconnues, de cette Histoire, mise à jour. Point d’étape artistique de la Compagnie de la Pierre Noire.

« STATION : DEBOUT ! »

 Station : il s’agit bien d’un arrêt, d’un blocage, dans le long cheminement, parcours, d’hommes et de femmes, qui, en 1944, alors que la paix s’approchait à grand pas, avaient jeté leurs dernières forces dans une bataille au corps à corps.

S’étaient vus, arrêtés, emprisonnés, torturés ; venus de toute la France, d’un coup, se retrouvant sur ce quai, avant dernière station de leur long calvaire. Privés de tout. Jusqu’à Ravensbrück, Buchenwald, long cheminement de fer et de souffrances.

 Debout : ils le furent, réellement, physiquement, serrés les uns aux autres, étouffant, sans air, traités comme des bêtes, dans ces wagons empuantis.

Debout : ils l’avaient été, au fur et à mesure que la main de fer de l’occupant nazi les avaient broyés, les uns après les autres. Pire encore, dénoncés, on les avait fait « tomber ».

Mais auparavant, debout, ils étaient restés, ne trahissant pas, habités par un Idéal, une Liberté plus  haute qu’eux, au nom d’une Nation plus grande qu’eux.

Ce convoi n’était qu’un chiffre : N°1264

Ces êtres n’étaient que des numéros de série : 57000 (les femmes), 77000  (les hommes)

Ils partirent le 15 Août 1944. De là.

Ce 16 Août 2018, certaines, certains, « recherchés », retrouveront leur nom, leur histoire, leur dignité

Ce que nous leur devons.

« STATION  DEBOUT », Ville de Pantin 2018 – CE FILM RETRACE, A TRAVERS UNE PRODUCTION ARTISTIQUE, L’HISTOIRE DU DERNIER CONVOI DU QUAI AUX BESTIAUX DE LA GARE DE TRIAGE DE PANTIN, D’OU PARTIRENT LE 15 AOUT 1944, 2200 PRISONNIERS ET PRISONNIERES POLITIQUES VERS LES CAMPS DE LA MORT…
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Marie Charrel lisant une lettre de son arrière grande tante partie avec ce convoi en 44

Lien  : https://youtu.be/RZUUsYrXY0Y

Commémoration Pantin

Photo – Marie Charrel et Bérénice Hartmann actrices dans la scénographie de « Station Debout »