JOURNEE MONDIALE D’ALZHEIMER : « RE-ECHANTONS‘ »












« Ré-enchantons »
Esquisse : premières lignes d’une proposition… à rectifier, amender, enrichir d’échanges avec le personnel mutualiste, associations, partenaires sociaux … et au delà.
Dans le cadre de la « semaine Alzheimer du 21 au 25 septembre », il a été demandé à la Compagnie de la Pierre Noire, de réfléchir, élaborer et assumer la faisabilité d’un événement – le mercredi 22 septembre – en étroite relation avec la Chargée de développement de prévention Mme Sarah André de la structure nommée « Harmonie Mutualité », 9 rue Emile Zola à Tours, l’Attachée de direction Mme Annie Noirault, avec le président de la commission de prévention du territoire M. James Marco, démarche validée par le responsable du pôle prévention M. Marc Pastor. S’appuyant sur cette expérience, celui-ci, pourrait décliner et (ou) reproduire cette même méthodologie sur d’autres territoires.
Après rencontres avec les relais Cajou, et leur directeur M. Dominique Rotureau, soignants et soignés, aidants et aidés, avec les membres du « Café Mémoire », avec les personnels en cours de formation pour une mise en œuvre du dispositif « Fil Mauve », , il nous a semblé possible de mettre en scène trois espaces « contre l’oubli » dans la ville de Tours… Dans ces espaces pourraient êtres présents, des référents ou représentants d’autres institutions, dont « Touraine Alzheimer ».
« La Place de Beaune ou « Fontaine des Amoureux »
Cette manifestation commencerait à la « Fontaine des Amoureux » (pourrait être chanté « A la Claire Fontaine », air connu de tous) : on entendrait, par ailleurs, la légende de cette fontaine et, nous appuyant sur le mur Renaissance, trace persistante d’un vieux reste d’architecture, défaite, métaphore de cette maladie d’Alzheimer tout autant que processus de mémorisation, – tout souvenir est « localisé » – dans l’odeur finissante des roses blanches de cette place protégée, de ce lieu symbolique, serait donné aux visiteurs, spectateurs, invités, l’amorce des trois lieux à parcourir.
Le chant, la chanson, la voix étant ce dont se souviennent les malades touchés par cet oubli irréversible d’une maladie qui, invisible, cet espace, protégé, pourrait être ponctué de morceaux chantés, d’un répertoire dit « populaire ». Sachant par ailleurs qu’il existe déjà une manifestation intitulée « La mémoire qui chante » menée par les relais Cajou, témoignage de l’intérêt des malades et des aidants pour ces instants intenses, partagés.
Ressouvenance ultime. Remémoration qui touche à la fois ces malades et le public, dit grand public, chants interprétés par des corps très vivants dans ce décor magnifique.
« L’Agence Harmonie Touraine rue E. Zola »
Des ateliers de création, type photo-langage, ou plutôt « picto-langage », (écriture et dessins sur calque à partir de tableaux dans les collections publiques de la ville de Tours et de photos anciennes appartenant aux participants de ces ateliers), pourraient être mis en place pour le personnel des Relais Cajou, les aidants, les malades, les acteurs, les enfants des Centres de loisirs, et par capillarité jusqu’au mois de septembre, infiltreraient des réseaux mutualistes ou non, de cette réflexion : comment résister à l’effacement – à la disparition – ? quelle stratégie collective mettre en place pour que l’histoire, individuelle ou collective, ne « troue » pas irrémédiablement la mémoire ? quel travail sur les traces devons nous réactiver, qui nous permettrait de « ralentir le processus d’oubli » ?
Ce travail d’écriture et de dessins réalisé par les aidants (aidants entraînés dans une spirale de souffrance, dont ces créations constitueraient de possibles respirations, paliers de décompression leur permettant de reprendre pied) et leurs familles sur différents types de calques superposés, serait exposé dans l’agence (sur les immenses vitres transparentes, ce qui permettrait de les voir de l’intérieur et de l’extérieur, donnant ainsi des points de vue différents) sous forme d’étranges vitraux, et les textes écrits en seraient leurs légendes. Par ailleurs, seraient distribuées à l’intérieur de l’agence (par des comédiens) des cartes postales reproduisant des œuvres conservées au Musée des Beaux Arts de la ville, au recto de ces cartes d’autres textes écrits par les mêmes aidants.
« Le Relais d’Alsace »
Cet espace vécu comme lieu où se déroulent les récits des aidants… écheveaux d’anecdotes, de joies, de détresses, d’impossibilités à travers des solutions pratiques, bribes, tissus effilochés sous leurs yeux, d’une vie commune d’une histoire commune, qu’ils sont désormais seuls à rapiécer… mais les coutures lâchent, aucun point ne tient…pas même le point de croix… aucun fil, assez solide, sauf peut-être celui, mauve à de cette « association » à laquelle ils s’accrochent (Fil Mauve : formation adressée aux aidants familiaux et dont les objectifs sont comprendre la maladie, identifier la stratégie de soutien, avoir confiance en sa capacité d’aidant et trouver des solutions de répit) ; cet espace là pourrait bruir de la lecture à voix chuchotée – mi-voix dans micro, voix à diction distante et précise des comédiennes, du recueil (grands livres, qui tournent auprès des aidants où se couchent, mêlés tous les registres de leur sidération ou de leur joie ré-allumée).
Textes inédits d’une mémoire devenue commune (les récits ne sont pas signés) qui fait apparaître la partie cachée, enfouie de cette maladie d’Alzheimer, le contient des survivants encore là présents, parmi nous… présents avant d’être engloutis par l’épuisement, la frayeur inavouable, l’envie d’abandon d’une cause forcément perdue, perdue à jamais. Sans oublier tous ces moments rares de bonheur miraculeusement préservés.
Au premier étage (donc loin du niveau « réel », du brouhaha bruyant, « terrestre »), nous entendrons et verrons se constituer un envers : une doublure chatoyante, résistante, douce, tenant bon, encore, car commune, car écrite à plusieurs mains, car lue à plusieurs voix.
Ici, donc, seraient lus les textes (mis en scène) par des comédiens, comédiennes…
« L’Hippocampe » pour la communication de cette manifestation
Une communication (affiches, programmes) autour de l’Hippocampe, animal marin (mais aussi partie du cerveau, qui en a la forme, chargé de mémoriser nos localisations dans l’espace) permettrait une lecture à plusieurs niveaux (y compris médicale). Cet Hippocampe, offert aux enfants ou grand public, avec légende argumentée (explication de cette maladie auprès d’eux tout en parlant du cerveau…) ; il pourrait être dissimulé dans notre plan de cette manifestation urbaine, un peu particulière, plan distribué en amont de la manifestation, ou le jour même, comportant indications explicatives et communication habituelle des partenaires (arguments et logos…) ; et serait distribué sous forme ludique. Cet Hippocampe – en plastique –, à la place du poisson rouge, nageant, vertical, dans de petits sacs (sur lesquels une étiquette serait accrochées avec texte informatif et poétique) remplis d’eau claire, pourrait être distribué à la Fontaine des Amoureux.
La Compagnie de la Pierre Noire, par l’intermédiaire de son metteur en scène et scénographe, Maryvonne Vénard, s’engagerait à mettre au point les ateliers de créations (réunions de travail), à articuler les différentes interventions des uns et des autres pour rendre visible l’identité mutualiste à travers une approche systémique, transversale, où chacun, chacune s’emploierait à ce que les plus faibles, les plus fragiles, ceux que la maladie, masquée, achemine vers la mort, soient retenus, au cœur de la cite tourangelle par la force vive de la voix, de nos voix… et ce, bien sur, après validation par les instances Harmonie Mutualité et Harmonie Touraine.
La manifestation, (nous l’avons nommée ainsi un bel après midi, entre nous au relais Cajou) porte aujourd’hui, le titre secret de « ré-enchantons ».
Premiers fils tirés des trois journées passées à Tours : la maladie d’Alzheimer, l’aide aux aidants, le rôle d’un mouvement mutualiste… quels paysages d’évènements, évènements eux mêmes, dans la ville, pris dans une semaine consacrée à cette maladie qui effacé, oublie les lointains et les proches – perspectives que nul n’avait encore envisagées – pouvons-nous faire apparaître ?
- Présente, à ce qui s’intitula « Café mémoire », un après midi ; oui, le café était bien là, bruyant, brouillant, mais la mémoire ? Il s’agissait en fait d’une rencontre de ceux qui, nommés « les aidants », appelaient eux mêmes à l’aide. Une psychologue laissait parler, s’écouter… pour que, de l’échange, adviennent des solutions circulantes, à l’intérieur du groupe. Détresse absolue.
- Présente à un long entretien (Dominique Rotureau et son assistante : directeur des relais Cajou, entre autres), dans cette maison, un peu à l’écart du cœur de ville, maison dessinée, désertée ? : qui peut habiter un tel espace commun… qui peut être là, dépossédé des indices où se constituent, jour après jour, nos matériaux mémoriels ? Récit détaillé du projet « Mémoire qui chante ».
- Présente à une matinée déjeuner dans cette même maison – avec les malades – (le thème trimestriel : l’orientation ; un plan touffu de Tours au mur ; une feuille blanche quadrillée : tout commence à partir de la case rouge… faire des croix sur indication de l’animatrice). Groupe hétérogène. Certains s’endorment assis. Où ? Disparaissent-ils ? Dans quel espace vont ils, nous perdant ?
- Immobile, mais aussi en mouvement à l’espace promotion de la santé, à l’agence mutualiste et dans la ville, à l’écoute de la responsable du projet Sarah André et de Marc Pastor… qui, comment, et pourquoi ?…
- Présente, luttant moi-même contre une absence (qui eût été une fuite pure et simple devant ces êtres de chairs et de songes), puisant dans cette ancienne conviction que rien n’est jamais, ne peut jamais être perdu, que tout toujours, se transforme… , mentalement je me déplaçai : que devons-nous, pouvons nous être (avant de faire) au milieu de ces malades, au milieu de ceux et celles entrainés, malgré eux, dans cette absorption incontrôlable du réel, milieu familial, milieu médical, environnemental… engloutis eux aussi. L’accélération des technologies, l’obsolescence des supports, outils de décryptage qui servent à « lire » les souvenirs – images – sons, constituant notre mémoire individuelle et collective, nous entraine à ne plus pouvoir, savoir nous « rappeler » (cet homme, désemparé au « Café mémoire » qui racontait qu’ « elle » voulait bien regarder le vieil album photos avec lui, mais pas les photos numériques de leur dernier voyage vacances sur écran, qu’ « elle » ignorait résolument). Maladie d’une civilisation : la nôtre, occidentale, qui ne sait comment aider l’autre à se dépouiller de ses connaissances, de ses reconnaissances, jusqu’à se laisser emporter dans le sein de la mort, retour en «enfance » (les aidants racontent qu’ils donnent des peluches…). Involution, à laquelle nous ne savons aujourd’hui que résister, avant d’apprendre ensemble d’autres harmoniques. Involution jusqu’au lieu ou s’entendra la dernière voix ?
Le mouvement mutualiste dont l’identité est reliante, remaillante, confiante, semble être une des énergies en capacité de circuler dans la chaine nécessairement formée avec tous ceux qui de près ou de loin approchent ou sont approchés par ces êtres… ne connaissant ni ne reconnaissant plus, au sens strict perdus : ne sachant plus ni où ils sont, ni d’où ils viennent, ni où ils vont, entrainant dans leurs pas, leurs proches : « je ne sais plus ou j’en suis ».
Maladie invasive : le corps social s’en sent comme pénétré, s’en effraie, et même, s’en défie.
Il semblerait donc approprié, adéquat ? de travailler (à travers la mise en place de modules spécifiques), sur ce qui constitue la richesse de nos identités : le goût, la vue, le toucher, l’odorat, et surtout l’ouîe qui semble être le dernier espace intime, l’ultime boite noire où, privé de tout, le malade comme l’enfant dans le ventre de sa mère entend première voix, première mélodie, premier chant du monde…
Et ce, avec l’ensemble des personnes entourant le malade, personnes qui absorbées par ce dernier, en oublient elles mêmes de respirer, sentir, regarder, écouter… s’appauvrissant… s’affaiblissant.
Pour mettre en application cette réinscription des êtres en contact peau à peau avec ce qui peut sembler une obstination à déserter, réinscription dans la ville lors d’une semaine de sensibilisation, information sur la maladie, voilà une proposition possible d’un événement :
- prendre d’abord appui sur l’agence mutualiste : point de départ, de rencontre et de ralliement. Les acteurs mutualistes, délégués sont les premiers porteurs…
- repérer dans la ville des endroits propices à de « l’échange » d’informations, de paroles, d’objets, qui induiraient fabrications, productions, jeux, actions, recueillements (dans les deux sens du terme). Une boulangerie, un brocanteur, un fleuriste, un photomaton, un musée, un château… un bistrot…
- monter avec les aidants et le personnel de santé des ateliers, à eux destinés dans un premier temps ; dans un deuxième temps éventuellement destinés à leurs proches… ateliers où s’élaboreraient par hybridation, des actes, créations, écrits, des « moments », à reproduire le jour j de l’événement dans le lieu approprié (exemple : décliner le thème du jardin, Tours le jardin de France par l’intermédiaire de tableaux déjà existants ou à composer, jusqu’à l’objet « rose », son odeur, à réorganiser en composition florale, en passant par deux mélodies possibles, celle de Poulenc « le spectre de la rose » ou celle de Berthe Sylva « les roses blanches »). Trouver des correspondances entre objets culturels ou non, lieux familiers ou non, souvenirs heureux ou non… et les matérialiser par une installation, une courte performance, qui seront vus par l’ensemble du public habituel dans la ville. La réconciliation des informations éclatées, réalisées dans le plaisir de l’invention (et des re-trouvailles ; les « aidants » ont eux aussi des souvenirs particuliers, qu’ils seront obligés d’exhumer, de réactiver, et de faire résonner en pensant à leurs proches ou non…).
En expérimentant ces modules (avec les savoirs faire et savoirs être de chacun, personnels de santé, et aidants) surgiront des possibles, des trouvailles constituant une base de données : boite à outils testés, pour palier à se qui semble être état d’absolue détresse, d’absolue dé-munition, d’absolu abandon.
La manifestation « évènemente » se clôturerait, après déambulation dans la ville selon un parcours prédéterminé et construit par segments avec l’ensemble des acteurs – l’élaboration en serait donc patiente, lente, soignée et intériorisée par tous les participants – se clôturerait donc, après que chaque espace ait été habité par chanson adéquate, en une écoute, active ? scénographiée des chants retrouvés, réappris, réinvestis, d’autrefois et d’aujourd’hui.
- Il serait souhaitable que des rendez-vous soient pris avec Annie….., Dominique Rotureau, et songer à refaire un parcours de l’agence au château avec Sarah…
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