Fort de Romainville

COMMEMORATION DE LA LIBERATION DE LA COMMUNE DES LILAS ET DU FORT DE ROMAINVILLE

 PASSER A L’ACTE, A L’ACTION C’EST-A-DIRE – NE PAS DEMISSIONNER – : AUTREMENT DIT S’ENGAGER

« La Résistance, pendant la clandestinité, gardienne des idées de liberté, d’égalité et de fraternité a légué aux nouvelles générations un patrimoine inestimable : la qualité retrouvée de citoyen, et ce trésor qui s’appelle « carte d’électeur », cette carte reçue comme un droit, exige l’exercice d’un devoir, celui de participer à la gestion attentive d’une démocratie digne de celles et de ceux qui sont morts pour elle » écrit Lucie Aubrac, co-fondatrice du mouvement libération-Sud.

Premier passage à l’acte… Comment préparer la commémoration de la libération des Lilas au fort de Romainville, lieu ou furent emprisonnés quelques milliers de résistants et de résistantes…

Les résistants, pour se reconnaître, utilisaient des « pass »… c’est-à-dire des cartes (postales le plus souvent) découpées de manière aléatoire, en deux parties, portées par deux personnes qui ne se connaissaient pas et devaient ainsi, en montrant à l’autre dans l’entrebâillement d’un portefeuille, ou en la sortant d’une poche intérieure d’un manteau, signifier que l’autre était digne de confiance, et était bien celui, celle que l’on attendait (à qui on devait donner des renseignements ou conduire en un lieu sûr… trait d’union indispensable, sécurisé, au fonctionnement d’un réseau).

Prendre appui sur ce signe de reconnaissance, qui réactivait le sens premier du mot symbole (un objet brisé en deux permettant « coûte que coûte » de savoir que l’autre était bien celui qui…). En le déclinant comme suit : travailler dans le cadre de classes « découverte » ou « patrimoine » ou, et, avec des associations de clubs photographiques, avec des peintres établis dans les communes, sur les plaques bleues des rues portant le nom, la date de naissance et de mort d’un, d’une résistante, sur les cafés, mairies, lieux où opérèrent des résistants, actes forts qui font encore sens pour des population d’une commune (exemple : les deux petites filles juives emmenées malgré la directrice de l’école Hoüel, qui en cacha d’autres, dans la commune de Romainville… vivace souvenir pour une génération de grand’mères) : photographier précisément, en réfléchissant au cadrage, serré, ces fragments de territoire ; ou les faire peindre par ceux qui le souhaiteront ; les transposer au format carte postale, les faire découper par les enfants, adolescents, adultes, concernés par ce projet, qui en garderont pour eux, une moitié, l’autre étant remise, le jour de la commémoration de la libération, à l’entrée du fort de Romainville, aux Lilas, par eux-mêmes, participants actifs, comme un laissez passer aux anciens, aux responsables, aux « présents » qui viennent là pour commémorer, depuis leur histoire…

Outre une relation intergénérationnelle, opérative, la lecture de la ville nécessaire pour connaître et comprendre ce qui fut vécu dans ces lieux traversés quotidiennement, en aveugle, permet de développer une forme de complicité basée sur la connaissance et le respect, complicité quasi immédiate entre celui, celle qui aura préparé, choisi son morceau de ville et celui qui en connaît déjà l’histoire (comme acteur, ou témoin relais, ou fils ou familier des faits). Ceux qui entreront dans le fort se verront reconnus jusque dans une de leur manière de faire.

Car passer du dehors au-dedans (de l’extérieur d’un morceau d’histoire, à l’intérieur d’un lieu déserté, vacant ; le fort appartient à l’armée, inconnu de la population) est un acte majeur, dès l’entrée. Un lien souple, long cordon tenu par les enfants, adultes qui auront préparé la commémoration entraînera délicatement la foule de ces acteurs devenus spectateurs jusqu’au devant du monticule de terre qui semble, seul, pouvoir supporter une action.

Le bâtiment central, aux nombreuses fenêtres, dans lequel étaient enfermés les prisonniers, continue de porter l’image de la prison ; les casemates, verrouillées sur des archives, sont inaccessibles. Et dans la cour impossible de parler en « leur » nom, à « leur » place.

Il s’agit bien d’actions collectives : le réseau – maillage mobile, se déplaçait entraînant les autres, solidairement.

DEUXIEME ACTE : Une commémoration de la LIBERATION

S’engager réclame un investissement physique : sur la pente douce, (d’où on lève les couleurs) les uns contre les autres, des corps empaquetés, une multitude d’amas confus.

De ce tas informe et qui recouvre comme pierres nombreuses la terre herbue, se révéleront peu à peu, corps enroulés dans la position fœtale la plus recroquevillée, en une libération progressive, des êtres vivants qui distendront jusqu’à la craquelure, la déchirure, ces cocons faits de mailles – tissées, non – tissées : chacun ayant secrété sa propre enveloppe, matrice à métamorphose ; et à partir de la posture immobile ou groupée (figure du gymnaste avant l’envol) atteindra la figure agrandie, bras et regards levés pour constituer une foule debout, innombrable, remplissant la pente, resurgie, en une chorégraphie silencieuse (ou alors quelle réorganisation sonore envisager ?).

Le travail pourrait être fait avec des classes de danse, ou écoles de danse, associations…, en fonction des échanges que nous aurons sur le territoire. Renversement de situation. Résistance des matériaux tendus, à craquer, opposés à la volonté d’apparaître, d’être debout comme un soulèvement de la terre… lent, long, inexorable… en marche, quasi.

Adéquation au lieu : enracinées dans la pente non bitumée, non bétonnée, ouverte comme un amphithéâtre surélevé, d’autres espérances croissent. Car il n’y a que le déjà construit, le déjà là, raclé à l’os, raclé au silex, ou, se déconstruisant pour se reconstruire sur un autre mode qui peut nous permettre d’inscrire des actes plus forts que la mort.

Car c’est le donné qui réclame, c’est l’espace lui-même qui appelle un autre type d’occupation en excluant celles qui furent trop effrayantes, nous permettant de nous inscrire dans le champ des mémoires à ensemencer, et le vivant, le dépassant, d’imaginer, d’imposer d’autres représentations, faisant ainsi acte de culture.

…Lutter contre « PIRE QUE TOUT » : l’Omission

Résister à l’attraction vertigineuse de ce trou de mémoire commun où s’engloutissent douleurs, erreurs, errements, mais aussi marques de civilisation, nos écritures, de vivants, avant qu’il ne nous avale, (parce que, baignés que nous sommes dans l’eau tiède des images, nous ne savons plus où se trouve la bonde par laquelle, point aveugle, tâche noire de l’œil du cyclone, s’engouffrent, accélérés, des tourbillons d’une histoire devenue incontrôlable.

Oubliées-là… restèrent, quand la ville des Lilas fut libérée, à l’intérieur du fort, outre les onze corps torturés, fusillés, dont ne nous pourrons que respecter les disparitions, des monceaux de colis… qui avaient été envoyés, par des résistants (familles ? amis ? alliés ?…) à des résistants et résistantes, pour leur signifier qu’ils pensaient à eux, qu’ils continuaient au-delà de tout dénuement à amasser malgré tout de précieux trésors, trésors infimes de nourriture, trésors infinis d’amour.

Appuyons-nous sur ce que nous imaginons d’ingéniosité, de ruses, d’inventions pour fabriquer d’autres colis, chargés cette fois de ce que nous donna, légua la résistance, à partir des textes du Conseil National de la Résistance : la capacité pour nous de vivre libres dans une démocratie ; et analysons avec le maximum de jeunes la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale dans sa résolution 217A du 10 décembre 1948. Que lui devons nous ? Dans l’exercice de nos libertés, égalités, fraternités ? Des fragments de ce texte, compris seraient écrits dans le dedans des enveloppes (« poche de résistance » !) de ces nouveaux colis… et à l’intérieur, chaque élève (personnes  de toutes associations envisageables …) fabriqueraient à partir de ce qu’il imagine vital, un « cadeau » élaboré, symbolisation des valeurs découvertes ensemble.

Pour faire prendre conscience à chacun des acquis dont nous sommes redevables à la Résistance (l’exemple le plus point incontournable étant la protection sociale).

Ce serait l’ensemble de ces nouveaux colis (le contraire donc du tout acheté, du tout « prêt à consommer », « prêt à cuire », « prêt mâché », « prêt digéré ») qui constituerait la monnaie d’échange contre l’autre moitié du « pass » ; et les deux partie (celles qui donne, pérennise par la volonté politique, et celle qui recevant, ayant intégré, ces morceaux d’histoire, devient en capacité de rendre…) se rencontreront dans un échange ludique et verbal, (« … non ce n’est pas l’autre moitié de ma carte, la mienne commence par Danièle CAS… et sur la tienne il y a écrit …AUTRET ») sur l’esplanade du fort de Romainville.

D’une histoire tétanisée axphysiée dans un endroit forclos, une neuve irrigation conduite médiatisée, par l’objet et la parole, improvisée.

Cette méthode d’élaboration (de cartes et colis) peut être étendue progressivement au cours des mois à l’ensemble des communes pressenties pour le projet de départ (Les Lilas, Romainville, Le Prés St Gervais, Noisy le Sec, Bobigny et Drancy) ainsi qu’à d’autres communes du département bien sûr. La communication du projet se ferait à partir de l’évolution de ces cartes et serait une communication en réseau innervant transport en commun, tram, lieux de distribution, gares, cafés, mairies etc… de manière continue, toujours surprenante puisqu’il pourrait y avoir plusieurs séries de cartes. Au dos figureraient, outre le titre du projet et une formule emblématique décrivant un fait de résistance, d’autres « faits » qui ponctueraient la série d’actions réalisées dans tous les ateliers.

Colis vivants, habités ou fabriqués : chacun devient cadeau, remet en branle, recoud, reprend le fil de l’histoire, ligne longue déchiquetée par la mitraille continue des informations en direct, reprend en main cette ligne de vie pour décider comment en poursuivre le dessin, à l’intérieur de sa propre main

L’écriture vient juste accompagner ce mouvement, ce graphe : les messages énigmatiques, surréalistes, poétiques, apparemment, absurdes envoyés sur les ondes pour annoncer, préfigurer l’arrivée d’hommes, de matériel, d’information… ces messages codés seront repris. Déchiffrés ? interprétés ? ils serviront de modèle à d’autres messages qui eux communiqueront sur l’ensemble des actions mises en place dans les communes (nous référant toujours bien évidemment aux valeurs et à la plus-value républicaine apportée par la Résistance).

De l’Omission à l’Emission

Les formules (ces messages) seront lapidaires mais la prise de parole bien réelle… il s’agira d’émission vocale, simple qui donnera à entendre la multiplicité des langues présentes dans le département, comme la réduction, la modélisation d’un réseau de connivence, de solidarité, de complicité, d’énergies autour du même concept.

Parallèlement, les acteurs de la Pierre Noire, eux aussi émettront, donnant à entendre, sur les ondes mais aussi dans tout espace de non- représentation (donc dans des formes courtes, ramassées, denses) des textes du monde latino-américain, d’auteurs contemporains : ce qui fait basculer un individu en fonction de son histoire, de son âge, de sa culture, de sa classe, et le pousse à basculer dans une direction ou une autre. Au bord de la décision … juste avant que le choix ne se fasse… des vignettes emblématiques à partir desquelles l’échange se fera sur la complexité de la prise de décision.

 

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